Chronique : Septembre au guidon

Rentrée des classes ou rentrée des gaz ?

Chaque année, c’est pareil. Septembre débarque comme un huissier en costard sombre : ponctuel, inévitable et un peu brutal. On remballe les tongs, on range les apéros à rallonge et on ressort les agendas. Et là, au milieu des sacs à dos des mômes, du planning d’activités du mercredi et de la réunion parents-profs, surgit cette question : je continue à rouler, ou je redeviens un automobiliste comme les autres ?

À la maison, c’est l’effervescence. Deux enfants à caser à deux écoles différentes, la petite qui a piscine le mardi, le grand qui veut tester le judo (ou le base jump, j’ai pas bien compris) et madame qui t’annonce calmement que, cette année, c’est toi qui gères les mercredis matins.

Et là, tu regardes ta bécane. Elle est là, belle, propre, prête. Elle te regarde aussi. Elle sait.

Le retour de la cage à roulettes

Soyons honnêtes : la voiture a ses avantages. Elle transporte les cartables, les goûters, les rêves de parents organisés. Elle a du coffre. Elle a des portes. Et surtout, elle n’implique pas de chausser les bottes à 7h du mat’ quand la rosée trempe encore les trottoirs.

Mais elle a aussi ce défaut majeur : elle t’éteint. Littéralement. T’es là, coincé entre un Dacia Duster et un SUV hybride qui hésite entre “mode éco” et “attaque en cravate”, à écouter France Info débattre de la réforme du calendrier lunaire. Tu t’ennuies. Tu râles. Tu deviens con. Bref, tu redeviens un automobiliste.

Et pendant ce temps-là, ta moto s’ennuie au garage. Elle prend la poussière comme un vieux flipper oublié dans un bar fermé. C’est pas une vie, ça.

La rentrée, c’est aussi la tienne

À 20 ans, on se posait pas la question. Rentrée ou pas, on roulait. Même sous la pluie, même sans budget, même sans vrai blouson. Aujourd’hui, on est plus raisonnables. Trop raisonnables, peut-être. On parle confort, équipement, visibilité, sécurité. On devient des experts météo, on compare les prévisions sur trois applis avant de sortir la moto.

Mais tu sais quoi ? C’est précisément pour ça qu’il faut continuer à rouler. Parce qu’on sait ce qu’on fait. Parce qu’on n’a plus besoin de prouver quoi que ce soit à qui que ce soit. On roule pas pour impressionner, on roule pour respirer.

Et la rentrée, au fond, c’est pas qu’une affaire de planning Excel. C’est aussi un moment pour te demander ce que tu veux garder de ton été. L’élan. L’air. Le temps pour soi. La moto, c’est tout ça à la fois.

Le motard-scolaire : mode d’emploi

Évidemment, faut s’adapter. Faut penser sac à dos bien fermé, blouson équipé, itinéraire optimisé. Faut prévoir un plan B en cas de déluge. Faut parfois même négocier un droit de “roulage solo” avec ton/ta conjoint(e), façon permission de sortie pour adulte responsable.

Mais une fois que t’as trouvé ton équilibre, c’est du miel. Le matin, pendant que les collègues maugréent dans les embouteillages, toi t’as déjà pris ta bouffée d’oxygène. Et le soir, t’as une excuse parfaite pour faire un détour par les petites routes avant de rentrer.

Et puis t’as ce regard des enfants. Celui qui dit : “C’est quand même cool, un papa (ou une maman) à moto.” Même si tu sens bien qu’ils préfèrent que tu viennes les chercher en voiture les jours de pluie. Ils pigent. Ils savent que t’es pas comme les autres. Et quelque part, ça les rassure.

De la passion en kit familial

Alors bien sûr, faut jongler. Entre les horaires, les responsabilités, les priorités. Mais c’est pas la moto le problème. C’est la manière dont on accepte (ou pas) de la laisser sortir de nos vies, comme si c’était un luxe qu’on n’avait plus le droit de s’offrir.

Moi je dis non. Pas question de laisser septembre me voler ce plaisir-là. Pas question de ranger les gants en même temps que les serviettes de plage. La moto, c’est pas un caprice d’été. C’est une respiration, un espace, une part de moi que la rentrée ne grignotera pas.

Et si ça implique de se lever 10 minutes plus tôt, de préparer les affaires la veille, de rouler plus lentement certains matins embrumés… alors soit. C’est le prix pour continuer à vibrer.

Rentrer sans renoncer

Il y a une forme de sagesse à continuer à rouler quand tout t’invite à redevenir “raisonnable”. C’est un choix. Pas un défi. Pas un baroud d’honneur. Juste un rappel : on peut être parent, cadre, mari ou femme et motard(e). On peut aimer les enfants et les trajectoires. Les réunions et les virages.

La moto, en septembre, c’est pas une provocation. C’est une fidélité. À ce qu’on est. À ce qu’on a été. Et à ce qu’on veut rester, malgré les horaires, malgré les listes de fournitures, malgré la météo qui tourne.

Alors non, je ne range pas la moto. Je la graisse. Je vérifie la pression. Je range les sacoches. Et je continue.

Parce que la rentrée, c’est pas une fin. C’est juste une autre façon de rouler.

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