Essai moto QJMOTOR SRK 921 RR
Le charme du paradoxe // MV à coeur ou MV hacker ?
4 cylindres en ligne de 921 cm3, 129.3 ch et 93 Nm, 6 vitesses, 223 kg, 13 499 €
Un échappement à 4 flûtes de forme complexe, presque une aile, un cadre à platines latérales aluminium et longerons en treillis tubulaires acier, un monobras avec une jante fraisée, une fourche surdimensionnée et un coloris rouge (et un peu de gris), un drapeau italien discrètement stické sur le réservoir… et quasiment nulle mention du QJMOTOR sur les carénages… Non, cette moto n’est pas une (copie de) MV Agusta, mais c’est une MV Agusta... Ou plutôt, il s’agit d’une reproduction d’une plateforme MV Agusta à moteur 921 (la Brutale 920) par le géant chinois de l’industrie du deux roues motorisé QJMOTOR, lui-même partie d’un autre géant industriel : le groupe Geely. Comment est-ce possible ?

Ne crions pas tout de suite au scandale et penchons-nous sur l’histoire qui accompagne ce modèle. Suite à un accord passé en 2020, un art dans lequel les Chinois excellent, QJMOTOR, d’abord importateur de la marque italienne (puis autrichienne) sur le territoire national et par ailleurs motoriste et constructeur, a obtenu cette base de moto en échange du développement/de la production du bloc bicylindre 550 initialement prévu pour la Lucky Explorer 5.5. Un concept présenté à l’EICMA et abandonné depuis par la marque italienne, dernièrement repris par Rieju sous une forme moins valorisante et moins onéreuse : la Xplora 557 proposée à 6 199 € (et disposant d’autres éléments vus sur des QJMOTOR: l’instrumentation par exemple). Comme quoi tout le monde n’a pas perdu au change. N’en demeure pas moins que le quatre cylindres équipant cette SRK 921 RR est bel et bien celui que l’on retrouve et que l’on retrouvera sur les 921 de l’éternel Phénix transalpin…
L'essai vidéo de la QJMOTOR SRK 921 RR
Découverte
Le package commercial incluant également le cadre et quelques périphériques, le reste était laissé à la discrétion du néo-constructeur. En résulte une moto sobre et séduisante de prime abord, à la finition qualitative si l’on omet le passage du câble de la sonde d’ABS attaché par un collier de serrage type rilsan sur les étriers Stylema. Équipée d’éléments haut de gamme en ce qui concerne la suspension et le freinage : Marzocchi et donc Brembo pour ne pas les citer, font de la SRK présente une moto valorisante sans être ostentatoire, bien équipée et ne laissant présager d’aucune économie. Rappelons que Marzocchi produit également ses éléments dans les usines de QJMOTOR.

Niveau électronique, Bosch est en charge de la centrale ABS/TCS et gère donc les points cruciaux pour cette moto et pour les motos chinoises. Une sportive « à l’ancienne » niveau assistances et qui demeure très dépouillée niveau fonctionnalités électroniques. En l’absence de centrale inertielle, le contrôle de traction n’est assujetti qu’au différentiel de vitesse de rotation entre la roue avant et la roue arrière, tandis qu’il est rapidement désactivable depuis le guidon. L’ABS, quant à lui, peut opter pour une position « Off Road » ne désactivant que l’arrière. Et c’est tout. Pas besoin d’un manuel d’utilisateur de 400 pages et de 50 manipulations pour exploiter la moto : ce que l’on voit, c’est ce que l’on a et c’est ce dont on dispose. Tout juste le moteur profite-t-il d’une poignée de gaz électronique permettant 3 modes de réaction : Rain, Normal ou Sport. Tout est dit.
N’y allons pas par quatre chemins : si le moteur avait initialement été évoqué lors des salons moto avec une puissance de 160 ch, il n’en reste « que » 130 aujourd’hui à 10 000 tr/min, c’est à dire la cylindrée et peu ou prou la puissance d’une Brutale 920, mais obtenue avec un alésage course de 78x48,2 au lieu de 73x55 mm sur « l’ancêtre ». Curieux. Une valeur de puissance à rapprocher du poids conséquent de 223 kg tous pleins faits de la QJMOTOR. Le poids, dernier axe d’amélioration sur lequel les motos chinoises haut de gamme semblent avoir à travailler et source de coût supplémentaire : plus c’est léger sur la balance, plus c’est lourd sur l’addition, comme chacun le sait. On est du coup loin du rapport poids puissance d’une hypersportive moderne de 210 ch (minimum...) pour moins de 200 kg et plus de 20 000 €… Intrigante, donc, cette production, dont on aimerait bien savoir à quoi et à qui elle se destine et surtout pour une moto ayant les atours et l’ergonomie d’une sportive, la masse d’une routière ou presque, mais avec 16 litres seulement dans le réservoir, tout en restant très « humble » niveau caractéristiques, moins niveau esthétique. À celles et ceux effrayés par les gros chiffres ? Aux amateurs de moto originale et lookée, à n’en pas douter.

Créée par un studio de design italien dénommé C-Creative, la ligne permet de retrouver nombre d’inspirations stylistiques, passant de Kawasaki à l’avant à Ducati à l’arrière en transitant par un gros peu de BMW. L’ensemble est cohérent, même avec les ailerons d’appui aérodynamique, dont on se dit qu’ils sont plus symboliques que nécessaire. La finition appréciable, notamment au niveau des commandes à la main et aux pieds. Des éléments bien pensés, bien conçus et agréables essentiels au bien être à bord. Si d’aucuns d’entre vous l’a remarqué, une dashcam (caméra de sécurité) est implémentée d’origine dans la proue de la moto. Pour l’heure, elle n’est pas activée par défaut et je n’ai donc pas pu la tester.
À propos de test, justement, il me tarde de prendre place sur l’assise de cette nouveauté pour le moins curieuse. Déjà, le régime moteur est bridé sur le neutre, afin de préserver la mécanique. Ensuite, j’ai été averti par les mécaniciens de la SIMA de sa limitation dans les tours, afin là encore à préserver la mécanique et surtout de ne pas la laisser pousser trop fort, trop longtemps… La zone rouge débute ainsi à 10 000 tr/min et se termine à 12. Que reste-t-il de nos amo… atours ?

En selle
De base, la hauteur de l’assise est annoncée à un très honorable 835 mm, sans que cela ne m’empêche de poser le plat des deux pieds au sol. Étroite au niveau du réservoir et de l’arcade de selle, la 921 en impose pourtant physiquement et s’impose entre les jambes du fait de la masse instinctivement perçue. Elle respire quelque chose de particulier, de solide et d’agréable, notamment du fait du superbe té de fourche supérieur sous lequel trône un "discret" amortisseur de direction Marzocchi, réglable en dureté sur 10 crans (le premier par défaut). Ses supports sont directement soudés sur le cadre.
La sobriété est donc de rigueur, y compris lorsque l’on met le contact et que l’on profite du design épuré de l’instrumentation TFT de 5 pouces de diagonale, notamment une fois l’affichage de qualité basculé sur fond noir. Certes, les indications de pression des pneumatiques sont petites à lire, mais pour le reste, tout est sous les yeux. Seules les informations de distance peuvent être alternées au moyen de la croix directionnelle du commodo gauche. Trip A, Trip B et odomètre se disputent ainsi le seul cadre dynamique.

Heureusement que l’on retrouve une montre en sus des informations essentielles (compte tours, tachymètre, jauge à essence et jauge de température moteur), faute de quoi l’indicateur de rapport engagé se trouverait bien seul. Moto de puriste la SRK 921 RR ? Possible, surtout si l’on considère qu’aucun des coûteux raffinements modernes n’est présent. Au moins n’est on pas encombré par les informations diverses (consommation ou autre), tandis que je constate une entorse à ce dénuement apparent : la connectivité Wifi avec un smartphone et une prise USB accessible dans l’habillage de tête de fourche, à droite. Reste à trouver comment fixer un support téléphone ou à le laisser en poche en profitant d’un affichage déporté (mirroring) ou de l’application de navigation Carbit Ride.
D’ores et déjà, les épaules et les mains manifestent leur sollicitation du fait de l’appui important sur les bracelets avancés et bas placés. Surtout, la largeur des tubes est importante, tandis que l’ensemble est assez ouvert pour favoriser un bras de levier utile et une bonne tenue en mains, notamment sur route. L’intérieur des genoux s’inscrit sous le réservoir, contre les caches et sans gêne aucune, tandis que je constate que la position par défaut des platines au réglage excentrique est assez confortable. Il est ainsi possible de remonter de manière conséquente l’ancrage des repose-pieds, tandis que les ergots de levier de vitesse et de pédale de frein sont eux aussi réglables en hauteur et en écartement, en tournant autour de leur base excentrique elle aussi. Et c’en est fini de toute autre excentricité ! À noter la petite rondelle pourvue d’un joint torique destinée à retenir pédale de frein lorsqu’elle remonte et à en régler l’écartement… Délicate attention, non ?

Déjà, mon pouce joue déjà avec le commodo gauche. Le toucher de la croix est agréable, fin et précis, tandis que je constate que le menu auquel on accède uniquement à l’arrêt est le seul à permettre de changer les modes de conduite, ou encore de jouer sur le réglage de l’ABS. Pour ce dernier, je peux comprendre la nécessité d’être arrêté, mais pour le mode de conduite, bien moins : un bouton dédié est une solution pratique et rapide que l’on peut utiliser à la volée. Pourquoi nous en priver ? D’autre part, l’interface utilisateur a beau être claire, rapide et bien présentée, le menu a beau être complet et synthétique, les manipulations sont encore trop nombreuses et surtout séquentielles. Au moins un pas dans le « luxe » et la simplicité est-il franchi par rapport aux SRK 800 et SRK 800 RR.
Petite remarque en passant : le maître-cylindre de frein radial, fourni par Brembo, semble être un PR 19. On en retrouve donc l’excellent toucher de levier (réglable en écartement) et le plaisir de la finesse de la belle pièce, tandis que le maître-cylindre d’embrayage est hydraulique et de bonne facture. Brembo en apparence, du fait de sa similarité en tout point avec l’élément de la marque italienne, il est en réalité une bonne réplique (à la finition légèrement inférieure) proposant là aussi un réglage d’écartement et affichant une certaine fermeté. Les commandes sont fixées sur les demi-guidons par une pièce à la couleur différente de celle du corps des maîtres cylindres. Là encore, une source d’économies et un détail portant à sourire.

Dernier point : l’assiette de la moto est réglable au travers d’un système de renvoi positionné sur le mono amortisseur. Rare et appréciable. Ceci peut bien évidemment avoir une incidence sur le comportement de la moto, mais aussi sur la force des appuis imposés sur les bracelets et donc le basculement du buste vers l’avant. Déjà penché, je commence la séance de musculation par un peu d’agglomération.
En ville
En fonction du réglage de la suspension et de l'inclinaison sir l’avant, de la pression des pneumatiques (des Pirelli Diablo Rosso IV), du mode moteur engagé ou encore des conditions météorologiques (!), les sensations sont en mesure de changer de manière importante. Gage de nombreux leviers d’action pour adapter la moto au besoin, il reste une constante sur le modèle essayé : la fermeté des suspensions rendant la roue avant particulièrement sensible au moindre relief. Le moindre caillou un peu costaud est signalé dans le guidon et influe sur la stabilité, tout comme la moindre déformation de la route.

Un bon rodage et réglage des éléments de suspension et de la boîte de vitesses est nécessaire. Bien entendu, la posture sur l’avant charge le train directeur, mais les 223 kg ne sont pas à négliger non plus dans l’impression de « virilité » ressentie en agglomération, notamment à basse vitesse. D’autant plus que cette moto ne braque absolument pas ! Elle tourne, c’est un fait, mais il lui faut un parking pour" demi tourner". À l’ancienne, une fois encore, façon Daytona 955 ou peut-être pire encore. Gosh.
Bien que ferme, l’embrayage reste exploitable, tandis que le shifter à la montée et à la descente officie avec précision malgré une boîte ferme à bas régime. Le quatre cylindres est d’autant plus intéressant à exploiter en ville qu’il fait montre d’une souplesse redoutable lui permettant de circuler sur le régime de ralenti, en sixième et à 30 km/h environ. Quelle force surprenante. Surtout, cela s’effectue sans la moindre protestation mécanique et les relances sont suffisantes. Bien entendu, on privilégie ici les trois premiers rapports, la rondeur du bloc sino-italien et la précision du ride by wire.

À régime stabilisé, l’injection fait entendre quelques soubresauts sans que l’entrain ne soit pour autant diminué et sans qu’aucune gêne n’intervienne : le moteur semble simplement trépigner d’impatience, dans l’attente d’une possibilité de s’exprimer. Le mode Normal apporte plus de souplesse et une réponse lissée de l’accélération, donc un confort supérieur pour les évolutions « lentes ». Si l’on ne dépasse que rarement les mi-régimes en première, je remarque déjà plusieurs plages moteur à ‘intérieur de cette zone de 1 500 à 5 000 tr/min (le ralenti est assez haut) et surtout point de creux aux alentours de 4 500 tr/min, souvent noté sur les modèles Euro5+ et précédents.
À propos de confort, la selle se montre appréciable en ville, tandis que l’on pose aisément pied au sol. Ici, pas d’arrêt automatique des clignotants, mais un bouton de warnings permettant de les enclencher aisément. On apprécie également la possibilité de replier les rétroviseurs pour évoluer plus facilement entre les rétroviseurs (ou sur piste). Avouons que la sonorité du quatre cylindres se fait apprécier dans un flot de circulation ou entre les murs : ça résonne dans les graves et les médiums... Quelle voix !

Une remarque, déjà, qui sera valable tout au long de l’essai : lorsque l’on tourne la direction, l’index accroche l’ergot de la commande de feux et passe en pleins phares. Sur route, passe encore, en agglomération, moins. Enfin, la tentation peut être grande d’engager le « launch control » lors d’un arrêt au feu, histoire de faire parler la poudre et les chevaux lors d’un départ canon façon course. C’est possible, mais je ne l’ai pas testée pour autant, préférant réserver l’exercice (limité en nombre de déclenchements) à la piste. Piste que nous n’avons pas prise lors de cet essai, faut-il le préciser.
Sur route
Deux visages totalement différents se sont imposés lors de mon essai. Le premier sur route sèche et à rythme sportif, le second sur bitume détrempé et des routes équivalentes. Une constance : la non-intervention de l’anti patinage sur les modes Normal et Sport et le fait que je n’ai pas ressenti le besoin d’évoluer en mode pluie. D’une part, les pneumatiques offrent une bonne motricité sur le mouillé, un retour d’information suffisant et une glisse progressive raccrochant en douceur (car oui, la glisse demeure possible malgré l’assistance à la traction). D’autre part, la gestion des gaz est précise et la poignée, bien qu’à « tirage » court (disons plutôt à rotation optimale), est ferme, réactive et très agréable en mains pour un dosage précis là encore.

Dans les courbes serrées et sèches, faire tourner cette SRK 921 RR n’est pas évident. Si elle n’est pas difficile à comprendre et si elle est très agréable de proportions et de maniement, elle tourne en deux phases si l’on n’y prend garde. S’inscrivant d’un bloc, elle ne déclenche pas naturellement le virage si l’on ne s’engage pas physiquement et elle réclame de contre-braquer en milieu d’action, lorsqu’elle bascule plus ou moins vivement. Un comportement notable dans l’hyper sinueux où l’avant semble s’échapper et pourtant tenir alors que l’on « enroule » la difficulté du tracé. Un véritable paradoxe faisant que l’on en arrive à délester les appuis sur le guidon en se détendant au maximum les épaules pour profiter de la largeur du cintre bénéfique dans les manœuvres « lentes », tout en jouant des genoux sur le réservoir et de la poignée de gaz.
Je n’ai pas pu vérifier la pression des pneumatiques, mais elle était indiquée comme assez basse par l’instrumentation, avec 2,2 et 2,4 bars à chaud. Peut-être est-il possible de jouer sur la pression pour retrouver un comportement toujours aussi incisif, mais sans « parasite ». Tout à l’inverse, il est également possible de verrouiller fermement la direction des mains et des coudes pour placer d’autorité l’avant en mobilisant les épaules. Parfois même, il convient de mixer les deux styles dans la même phase de conduite, challengeant fortement l’esprit et le corps, tout en apportant une bonne dose de satisfaction et de sensations. Je sens bien que cette moto d’expert demande de la mise au point pour se livrer complètement, uniquement en jouant sur les réglages d’assiette et de suspension… Un beau potentiel, donc, mais pas pour tout le monde de prime abord et pas tout de suite.

Une fois le mode d’emploi acquis, il convient encore de composer sur les bosses avec un amortissement impeccable, certes, mais toujours ferme et affichant une tendance à « bastonner ». L’impression persistante de poids à emmener diminue progressivement et s’efface même aux allures légales et lorsque l’on ne taquine pas la bête. Stabilisants, certes, les 223 kg (avec le plein) concourent à imposer la méfiance si l’on ne dispose pas du rythme nécessaire. Surtout, ils demandent à inscrire la moto à l’aide moteur, en allant chercher les tours et en jouant de l’embrayage pour éviter les phases neutres dans le très sinueux.
Pas facile, donc, mais expressive et bienveillante, s’emmenant comme une hypersport 1000 des années 2000 à 2010 si l’on veut résumer, la 921 parvient toutefois à se laisser dompter au fil des kilomètres, alors que l’on arrive sur des portions de route aux courbures plus ouvertes. Les grands horizons, elle aime ça et le démontre au travers de son expressivité d’une part et d’une stabilité appréciable. Avaleuse de virages, bouloteuse de beau bitume, la SRK affiche clairement son appétit pour les terrains plus lisses et les tracés moins serrés, tout en ne rechignant jamais à se laisser dé(b)rider à l’occasion.

L’allonge des rapports se fait sentir, tandis que l’on accroche les 115 km/h sur le premier rapport. Raisonnable pour une 900, la seconde permet de s’insérer sur l’autoroute en atteignant 135 km/h environ. Et ça pousse avec les formes, l’expressivité et surtout les sensations mécaniques et physiques. Les vibrations sont contenues, le moteur feule à loisir et chaque évolution prend un nouveau… tournant. Pour ne pas dire sens, lesquels sont sollicités de manière intéressante.
Dès lors, le moteur peut donner son plein, au sens propre comme au sens figuré : l’appétit monte en flèche lorsque l’on commence à rouler au-dessus des 6 000 tr/min, zone où l’envolée lyrique et mécanique est plus que sensible. De quoi limiter l’autonomie avant réserve à quelques 160 ou 180 km selon l’humeur.

Et sur le mouillé ? Je dirais que le style coulé est de rigueur, tandis que le comportement de la moto devient plus naturel. Les allures usuelles lui vont à merveille, alors que le moindre bout de droit est un délice, la moindre courbe ouverte un régal et quand bien même les Diablo Rosso IV glissent, la confiance et la décontraction sont là. Ou presque. En somme, c’est en sous-exploitant largement la mécanique et en roulant sur des œufs qu’on les sent le mieux, les œufs. Au point que la roue avant devient particulièrement sensible et bavarde. Sacré train directeur dites moi !
Sur autoroute
La tête de fourche étroite dans sa partie supérieure ne laisse aucune illusion quant à la protection du haut du corps, très limitée. La bulle courte crée cela dit un cône d’air suffisant dans la traînée duquel s’inscrit la tête pour lui éviter toute turbulence, mais le casque devient particulièrement sonore et les courants d’air remontent dans le casque. L’extérieur des jambes, quant à lui, est tout naturellement exposé aux intempéries.

Autant dire que l’on trace son sillon en profitant peut-être de quelques appuis aérodynamiques supplémentaires, mais qu’une longue route droite sera des plus pénibles, y compris du fait de la position de conduite, plus relaxante sur les sportives modernes ou de moindre cylindrée. Pourtant, on retrouve un régulateur de vitesse à la fois simple et pertinent, sous entendant que l’on peut rouler décontracté sur les axes routiers les plus rectilignes. Soit.
Le moteur ronronne simplement en affichant un régime intermédiaire. La sixième, surmultipliée, permet de faire tout ce que l’on souhaite et offre un bon répondant en cas de besoin pour un dépassement. Si la zone moteur avant les 5 000 tr/min est assez calme en apparence, du moins plus que la plage suivante, elle n’en est pas moins efficace. Les envolées la font paraître plus douce et plus calme, mais les pulsations mécaniques participent de l’ambiance à bord, tout comme le ronronnement du moteur, qui parvient à stabiliser son régime sans trop de protestations. Ayant pu rouler au GPS, la vitesse affichée par le compteur est plutôt réaliste, avec une marge d’erreur limitée à seulement 7 % environ. L’impression de vitesse, particulièrement exhaustée sur cette moto, est donc également réelle.
Freinage
Souvent critiquable sur les Chinoises, le freinage laisse ici peu de place à l’approximation ou à la médiocrité. Brembo est à l’origine du matériel, c’est un fait, mais une marque ne fait pas tout. Une référence non plus, en l’occurrence, des étriers Stylema à fixation radiale bien entendu. Force est de reconnaître la grande qualité du feeling, de l’attaque et la précision impressionnante apportée sur le sec comme sur le mouillé par l’ensemble pinçant des disques de 320 mm de diamètre. Certes le levier demeure ferme, quel que soit son réglage, mais le toucher de la commande est un régal.

La puissance est donc au rendez-vous, tandis que l’électronique de la centrale ABS officie avec talent là encore. Le déclenchement est peu sensible à l’avant, la définition de l’anti blocage parfaite, qui laisse la pression s’exercer longuement et sans coupure, tandis que les distances de freinage sont très nettement limitées et que le train arrière s’allège copieusement en fin de freinage. La fourche réagit plutôt bien au traitement et s’enfonce sans exagération. Surtout, le rebond est bien maîtrisé. En résulte également une possibilité de freiner sur l’angle sans relever la moto et sans nécessiter que la béquille électronique ne soit active elle aussi sur l’angle.
Compte tenu du poids de la moto, de sa vélocité et de sa géométrie, on apprécie toute mise en action du frein avant, tout en regrettant que l’arrière ne soit pas plus efficace et laisse couler les freinages… Pour la stabilisation en courbe, on ne risque pas de solliciter l’ABS, au demeurant déconnectable sur la seule roue arrière. Certes, on assied la moto en douceur, mais j’aurais apprécié plus de mordant et de tenue de la part de l’étrier arrière, notamment dans les phases de pilotage les plus techniques (le très serré). Qu’à cela ne tienne, la répartition se fait de manière naturelle et même si l’on n’est pas gros freineur, on le devient en toute simplicité avec ce matériel.

Corrélé à l’antiblocage, l’antipatinage officie lui aussi avec discernement tout en se montrant particulièrement permissif. Malgré de nombreuses provocations sur la route, il ne s’est activé que très peu et de manière fuguasse, coupant subrepticement la puissance avant de la remettre de manière très naturelle. Sur le mouillé, il n’a d’ailleurs pas su éviter quelques dérives de l’arrière, corrigées par les pneus plutôt que par son électronique. Finalement, seuls quelques sauts exécutés sur des ralentisseurs seront parvenus à me faire dire qu’il existe, tout en laissant une énorme latitude. Bien évidemment, il n’est pas plus actif sur l’angle que l’ABS, faute de centrale inertielle. Est-ce un manque ? Pas en ce qui me concerne.
Partie cycle
MV Agusta sait faire des cadres et des parties cycles. C’est donc le cas de QJMOTOR lorsque le constructeur suit les indications de la marque italienne. N’oublions pas non plus que le groupe est le propriétaire de la marque Benelli, autre légende italienne en perte d’identité, certes, mais à l’origine de moteurs trois cylindres de folie et de parties cycles impressionnantes. Fermons la parenthèse. L’amortissement, confié à Marzocchi, permet de profiter d’éléments de qualité offrant un excellent comportement tout en restant assez ferme et bavard au niveau de la fourche. Les fonctions de compression et de détente sont dissociées sur les fourreaux. La précharge est réglable sur 10 positions et en position intermédiaire d’origine là où la compression (à gauche) et la détente (à droite), proposent 4,75 tours d’amplitude de réglage, la première est positionnée seulement sur 1,75 tours et la seconde sur 2,25 tours.

Le mono amortisseur arrière, à bonbonne séparée, profite quant à lui de réglages en tous sens dont une rareté une fois encore sur un amortisseur de série : la possibilité de dissocier la compression à haute et à basse vitesse. 10 niveaux pour le premier paramètre, 12 pour le second. La précontrainte fait également partie de la panoplie, sans oublier un jeu sur l’assiette, non documenté pour ce qui est de l’amplitude des réglages.
Résulte de cet ensemble une fourche plus bavarde que l’amortisseur arrière et un toucher de route premium pour la roue motrice. L’avant, pour sa part, demande quelques réglages afin de donner le meilleur en fonction de l’état des routes prises et de la volonté de tourner plus ou moins fort. Surtout si l’on est à la recherche de confort.
Confort
Tout relatif, le confort, sur cette moto ! La protection offerte par la bulle et le carénage avant est correcte, tandis que les suspensions se montrent naturellement fermes dans leurs réactions. Reste une mousse de selle de bonne densité et plutôt accueillante, dont on devine qu’elle sera suffisante pour une portion de route de 50 à 100 km avant de rappeler que l’on se trouve sur une sportive. Heureusement, la possibilité est donnée de se reculer pour profiter d’un accueil de taille supérieure et d’une mousse plus efficace.

Pas de poignées chauffantes (elles sont cela dit préinstallées, mais pas activées), pas de selle chauffante et un confort de sportive sont donc au programme de la SRK 921 RR. L’aérodynamique vient au secours du corps pour épargner de toute pression d’air excessive, tandis que la position de conduite sollicite les cervicales les plus fragiles et les poignets endoloris. Considérée comme un confort aujourd’hui, la consommation instantanée et l’autonomie restante ne sont pas indiquées et l’instrumentation est assez basique. On profite, par contre, d’un équipement correct.
Pratique
Voici bien une notion quasi absente de la catégorie des sportives. Cette moto ne fait pas exception à la règle, tout en proposant une prise USB de recharge pour prise USB A ou USB C et d’une puissance 20W. Dommage que son emplacement soit juste sous le bracelet droit, impliquant d’avoir une prise compacte pour ne pas entrer en conflit avec le guidon. Par ailleurs, on retrouve des caches en ABS rigide sur les carters moteur, faisant office de protection. La « selle » passager peut être enlevée en l’ouvrant avec la clef de contact et grâce à la serrure située au niveau du flanc gauche. Encore moins de place sous la selle que dessus…. On se doutait bien ne pas pouvoir mettre grand-chose là-dessous.

Attention délicate, les valves des jantes sont coudées et de bonne facture. De quoi les rendre on ne peut plus accessibles. Hormis la possibilité de passer le fond d’écran de blanc à noir ou de le laisser faire automatiquement, voici les seuls aspects pratiques que j’ai pu relever sur cette QJMOTOR.
Rentrant à mon sens dans la pratique, l’intervalle d’entretien est fixé tous les 6 000 km. Cependant, le véritable entretien ne s’effectue que les 12 000 km avec vidange et remplacement des filtres, tandis que le jeu aux soupapes est à effectuer tous les 42 000 km. Sachant que la garantie de 3 ans pièces et main-d’œuvre invite à suivre le programme d’entretien et que les révisions « intermédiaires » consistent essentiellement en des inspections des éléments de sécurité et de santé du moteur de la partie cycle, le coût kilométrique de la SRK 921 ne devrait pas être trop élevé.
Duo
Pour masochistes, sûrement, le duo n’a rien d’agréable comme l’on s’en doute en voyant l’étroitesse de l’assise, la hauteur de ladite selle, l’éloignement du réservoir (pour poser les mains) ou encore l’absence de sangle ou de poignées de maintien. Les repose-pieds sont cela dit présents (et facilement démontables), tandis que l’on n’envisage que du dépannage sur quelques kilomètres plutôt que de longues escapades en amoureux. Auquel cas il faudra être très amoureux.

Consommation
Dans l’impossibilité de faire le plein lors de mon essai, j’ai cependant pu constater que le passage en réserve pouvait s’effectuer aux alentours de 170 km si l’on roule à bon rythme, bien plus si l’on exploite les 16 litres de carburant contenus dans le réservoir métallique.

Conclusion
Sous forme de prise de contact effectuée aux alentours de Beaune, sur les terres de la Sima, importateur de QJMOTOR pour la France, j’ai pu profiter diversement et en totale autonomie de cette moto assurément pas comme les autres. La SRK 921 RR affirme ses différences et invite à un voyage dans le temps (époque MV Agusta des années 2010) et peut être également dans la fiabilité pour une mécanique italienne de naissance. Cette Sino-Italienne mixe le bon et le surprenant, déroute et séduit pourtant au fil des kilomètres. Certes, elle n’a rien de facile ou d’évident, mais sa simplicité à rebours des coûteux standards actuels et ce qu’elle propose, notamment un tarif de 13 499 €, ont de quoi plaire aux amateurs de moto de grosse cylindrée ne souhaitant pas débourser plus pour des chevaux qu’ils n’utiliseront pas et pour une technologie qu’ils n’utiliseront pas ou désactiveront. Voici donc ce qu’il en coûterait aujourd’hui de laisser faire le poignet droit, un cerveau et de bons pneus pour rouler sur une moto forte en sensations, en expression et en communication moins cher qu’une 600 Supersport.

Si sa sonorité et sa santé n’ont de cesse de ravir les sens et de raviver une flamme sportive transalpine, cette proposition demeure curieuse et intrigante de prime abord. Elle semble en effet ne pas vraiment vouloir tourner dans le très sinueux, ne braque pas, n’est pas spécialement confortable et elle propose une posture exigeante si l’on roule longuement ou en agglomération. Du coup, on revient aux bases mêmes de la moto et du challenge personnel, mais aussi de ce qu’est conduire et piloter. Très agréable si l’on roule au légal, c’est en haussant le rythme et le ton sur petites routes, où sa suspension comme sa géométrie demandent à être adaptées, qu’elle réclame plus de poigne et d’expérience, de relâchement en même temps que d’attention.
Paradoxale, donc, de qualité niveau finition, elle laisse apprécier son freinage au top et son moteur enthousiasmant, séduit par sa ligne tout en impressionnant par son poids, résolument important, mais pas si gênant. Proposition à part, cette SRK 921 RR a le mérite d’exister et de mettre à portée de bourse et de course une base d’exception, dont on ne sait pas si elle est en mesure de plaire aujourd’hui au plus grand nombre, mais dont on est sur qu’elle perpétue l’esprit d’une marque aujourd’hui en difficulté et souvent inaccessible, victime de ses tarifs et d’une fiabilité discutable : MV Agusta. Alors, pourquoi et surtout pourquoi pas ?
Points forts
- Motorisation attrayante
- Freinage extra
- Tarif abordable
Points faibles
- Comportement surprenant (hors réglages)
- Sensation de poids
- Image de moto chinoise
La fiche technique de la QJMOTOR SRK 921 RR
Conditions d’essais
- Itinéraire : petites routes de bord du canal du Rhoin et la côte d’Urcy, une centaine de kilomètres parcourus
- Météo : Une journée sur routes sèches, une sous la pluie
- Problème rencontré : ras
Équipement essayeur
- Casque : Shoei NXR-2
- Blouson : RST
- Gants : IXS
- Pantalon : RST
- Bottes : Vanucci
Commentaires
Le prix d'une R9
14-10-2025 18:36Pas mal !

14-10-2025 19:15Quand même la nous sommes presque sur les valeurs d’un CBR la !
Bon il y a juste la question du poids ou la QJ est 19kg plus lourde, mais sinon je vous jure les chiffres (cylindrée/puissance/couple) ne mentent pas, ils sont quasiment identiques à ceux sur la fiche technique d’une 900 CBR de 1998 !
Décidément c’est incontestable, les chinois savent me surprendre !
La 900 CBR modèle 2000 : c'est la dernière bécane sportive qui m'a donné l'illusion que je la maîtrisais... La 750 GSXR modèle 2000 également...
14-10-2025 19:32Je me demandais pourquoi une marque qui a pour principale mission de casser son image « chinoiserie en panne » se suicide en intégrant une mécanique MV Agusta.
15-10-2025 08:14Mais au fond, s’ils arrivent à fiabiliser et à fournir un SAV à ces moteurs ce sera bien une première, on pourra parler d’exploit.
« Ah oué on est pas fiable ? Ok, on part de ce qu’il y a de pire, vous allez voir ce qu’on va en faire ! »
Ou pas.
Ou p’tetre.
Bien vu Jeannot.
15-10-2025 12:19Ces chinois là ont fait l'inverse des autres : ils rachètent la marque, récupèrent la mécanique et "oublient" le nom.
Sauf erreur MV Agusta appartient toujours à un russe, après la cata KTM.
15-10-2025 12:57Ah oui, j'ai compris de travers !
15-10-2025 13:18